PCA et petite histoire d’entreprise
Avant la grave crise sanitaire du Covid 19, les entreprises avaient pu éprouver leur PCA (Plan de Continuité des Activités) et leur aptitude à la résilience au cours de la grippe aviaire de 2009.
Cette épidémie était une alerte suffisamment sérieuse pour vérifier la réactivité des organisations, le respect des procédures, de la pertinence des actions engagées, et la stratégie de communication.
Effectivement dans beaucoup d’entreprises et notamment sur les sites industriels ou de production… le PCA faisait partie des démarches de sécurité… on s’étonne dès lors du sentiment d’impréparation de certaines structures et leurs dirigeants…
Sans faire de généralités, voyons une petite histoire d’entreprise…
« Merci de nous transmettre pour 14 heures, le PCA que vous mettez en place sur le Site du Siège ainsi que les 15 sites France pour assurer la production attendue malgré la crise que nous traversons » de la Direction Europe
Le PCA… oui bien sûr…
Certes de nombreux patrons et cadres de direction ont tous sagement suivi la formation fortement recommandée, pour tout dirigeant qui se respecte, « la Gestion de Crise ».
Ce stage où des consultants, de préférence des hommes au passé militaire (ex-intervenant des forces spéciales, négociateurs, spin-doctors de politiques…), vous expliquent par étapes comment réagir et agir pour faire face à une situation inattendue, grave, complexe… la cellule de crise, les interlocuteurs clés, les points de situation, les décisions difficiles, les renoncements, le fonctionnement en mode dégradé , la sécurisation des lieux face à des groupes d’individus mal intentionnés…
Pour ceux qui sont allés jusqu’au bout du séminaire, il y avait le volet « communication de crise » qui expliquait les principes : un seul orateur, une seule info, une concertation préalable, l’intérêt stratégique de tel ou tel détail qu’il faut mettre en avant, des spécialistes qui confirment vos affirmations et les mots rassurants tellement efficaces que la population restera calme et convaincue que vous maitrisez la situation.
Seulement voilà, au retour du stage, l’ensemble des fiches CAT (conduite à tenir) et le Pas à Pas, ont été sagement rangé dans les étagères du Bureau du Dirigeant et déplacé au fur et à mesure des dossiers importants et urgents.
On a bien de temps à autre, un Responsable Sécurité ou Qualité, un QSE ou un RSE qui s’émeut en recherchant le PCA obligatoire à mettre dans son dossier ; ou bien un membre du CHSCT (depuis intégré dans le CSE) qui s’inquiète des dispositions à prendre en cas de pollution accidentelle de la rivière, mais comme il a parlé en même temps de l’exercice incendie annuel avec évacuation des bâtiments… et qu’on ne s’est pas encore mis d’accord de quel côté pourront passer les ouvriers de l’Atelier 3 pour rejoindre le point de rassemblement… on s’en occupera dès qu’on pourra…
En quand la DRH fraichement arrivée demande quelles sont les procédures en place pour gérer un éventuel mouvement de grève si elle peut mettre en place les formations obligatoires des personnels pour la mise en sécurité des installations… il lui est poliment répondu que la Direction de l’Exploitation maitrise le sujet et qu’elle a certainement d’autres priorités…
Et voilà qu’arrive sournoisement un matin, l’annonce par la Direction générale d’un virus « de grippe aviaire » dit H1N1 très contagieux et que l’employeur est tenu de prendre toutes les dispositions requises dans le PCA, d’en suivre les Directives de prévention et de protection des salariés…
Le PCA…le PCA il est où ce foutu classeur : « Madame la DRH où en êtes-vous du PCA nous sommes en situation de crise…convoquez le CE, les DP, le CHSCT…et… pour la communication qu’avez-vous prévu ? Réunissez tous les cadres de direction dans la salle de réunion… »
Demi-sourire de la DRH… « oui je vous apporte le PCA qui donne la CAT... de la cellule de crise avec identification de la nature du risque (accident industriel, de pollution grave, de panne informatique, d’incendie majeur, d’accident ou décès des dirigeants) la gestion du temps et des urgences, la communication de crise, l’information interne et externe, ce que l’on dit aux familles et aussi en cas d’épidémie… et en ces temps où le télétravail n’était pas aussi aisé à mettre en place qu’aujourd’hui, gérer les équipes, prévoir les protections et les fournitures adaptées, changer les modes de production et les pratiques professionnelles des collaborateurs… concevoir le travail en protégeant les personnels d’une contamination...
Dans ces moments de crise, les équipes se révèlent souvent bien plus solidaires et engagées que l’on ne pouvait l’imaginer, des initiatives et des entraides se créent et fort heureusement, les salariés s’approprient les mises en sécurité des outils de production, des installations et de leur propre sécurité…
Et s’il existe des dirigeants qui montrent un réel courage managérial et du leadership, il s’en trouve encore, hélas, qui délèguent sans aucun scrupule la gestion de crise à leurs cadres, qui serviront de fusibles en cas de dysfonctionnements… alors oui avant 14h la Direction Europe a eu le PCA des sites, avec les projections de production et les perspectives d’absentéisme, oui les salariés ont été équipés de masques, de gels hydro alcooliques et de gants, oui des savons désinfectants ont été installés dans tous les sanitaires et des rouleaux d’essuies mains à la place des souffleries, des boites de mouchoirs en papier et des poubelles à couvercle fermé… oui toutes les sociétés de nettoyage ont été informées d’un protocole de nettoyage et les produits adéquats mis à disposition ; oui, des affiches ont été placardées sur tous les tableaux d’affichage et les vestiaires pour expliquer la situation, les panneaux du lavage de mains aux containers pour les tenues de travail dont l’entretien a été sous-traité à une société spécialisée… des bombes de produits désinfectants à usage unique chaque soir pour les véhicules de service et les locaux également nettoyés par fumigation… oui par une collaboration rapide et efficace entre les IRP, le Responsable Sécurité, la DRH… et la participation de tous les volontaires pour se protéger ainsi que leurs familles… nous avons réussi à ce que l’épidémie ne se propage pas dans notre entreprise au-delà de quelques cas rapidement pris en charge.
Sans faire dans l’angélisme et croire que tous ont été d’une totale loyauté, citoyenneté et probité (des produits, des gels, des masques ont « disparu » des stocks) il faut néanmoins saluer ces solidarités, et la capacité des équipes à travailler en polyvalence et en complémentarité.
Mais alors qu’il est recommandé de faire le bilan de situation et d’adopter une démarche réflexive pour mieux encore se préparer à une prochaine crise notamment virale… la conclusion en autosatisfaction «tout s’est bien passé finalement » et d’ailleurs ça n’arrivera plus… et le classeur a repris sa place sur l’étagère…
Toute l’énergie, la réactivité, l’engagement des collaborateurs pour collectivement faire face à la situation, a donné droit à un petit discours de remerciements pour avoir assuré la production durant toute la durée de la crise… ce qui semblait être au final, le plus important…
Mais voilà… un beau matin, il est arrivé... s’appelle le Covid 19… et l’histoire hélas se répète en bien plus dramatique…